Uketamo, j’accepte à cœur ouvert !

Aala 18 novembre 2019 0
Uketamo, j’accepte à cœur ouvert !

Je pense que ce fut l’une de mes meilleures aventures au Japon au cours de cette année, celle dans la préfecture de Yamagata, et plus précisément dans la plaine du Shonai et les environs de Dew Sanzan ! Récit.

Parfois, il suffit de faire les choses différemment pour changer d’avis, pour passer d’un avis négatif à un avis positif. Comme quoi, parfois, une première impression n’est pas nécessairement la bonne ni la meilleure. Et ce fut le cas pour moi à la fin du mois d’août 2016 !

Uketamo … non merci !

Fin août 2016, en plein Cap 10.000 Japon, je quitte la ville de Tsuruoka (préfecture de Yamagata) tout simplement dégouté. Je viens de vivre ma pire expérience au Japon. Je l’attendais depuis longtemps et elle s’est mal déroulée, du début à la fin. Ce fut dur, ce fut agaçant (utilisons les bons mots). Mais, de quoi je parle ? Ce qui ont suivi le début de cette aventure s’en souviendront certainement. Pour les autres, je vais vous faire un rappel.

Alors que je me suis lancé dans un tour du Japon à pied sur 10.000 km, je suis arrivé dans la préfecture de Yamagata, après être parti de Hokkaido. J’avais près de 3 mois de marche dans les jambes, plusieurs milliers de kilomètres parcourus et j’étais impatient par rapport à ce qui m’attendait. Je devais me rendre dans la ville de Tsuruoka pour expérimenter le « pèlerinage de Dewa Sanzan » qui se déroule sur 3 jours. Il n’est pas connu mais est intense et unique en son genre ! J’avais hâte, hâte de le faire à pied, hâte de voir ce qu’il me réserverait, hâte de le vivre pleinement avec Maitre Hoshino, Yamabushi (moine de montagne) de 13ème génération, une vraie légende dans les environs.

Oui, mais non. Mais, alors vraiment, NON ! Mauvaise communication, « pèlerinage » essentiellement en voiture, aucune explication donnée, on ne me dit rien, je subis les choses, découvre des éléments à la dernière minute, on me force presque à boire de l’alcool alors que je ne bois pas … Tout va mal, du début à la fin, pendant 2 jours, alors que cette expérience aurait dû durer 3 jours au moins ! Tout va mal, vraiment mal, au point que je suis dégoûté, je prends mes affaires, à la fin de l’expérience, et m’en vais dans un hôtel à Tsuruoka, pour me reposer quelques jours avant de reprendre la route.

A ce moment-là, il ne faut surtout plus jamais me parler de Tsuruoka, de Dewa Sanzan et de son pèlerinage.  Plus jamais, vraiment.

Uketamo … Megurun !

Puis, comme souvent, au bout de quelques mois, à froid, l’analyse de l’événement change, évolue. Je suis toujours dégoûté par rapport à ce que j’ai vécu, vraiment ! Les personnes qui étaient derrière l’organisation ont été irrespectueuses, du début à la fin et ont fait manque de professionnalisme. Mais, le pèlerinage de Dew Sanzan c’est quand même quelque chose, c’est unique, c’est attirant, et pour moi c’est à vivre au moins une fois. Il me faut le refaire, je ne peux rester sur un échec.

Et c’est là que Megurun est apparu, comme par magie. Une petite agence de voyage de la préfecture de Yamagata qui a lancé des programmes appelés « Yamabushido » à compter de la fin de l’année 2016, peu après mon expérience ratée. Un peu comme un signe qui venait à moi.

Et Megurun, m’a proposé de venir tester quelques-unes de leurs activités, au sein de la plaine du Shonai, dont un trek d’un jour avec un Yamabushi au Mont Haguro, lieu de ma première déception. J’ai accepté, parce que je voulais me frotter à nouveau à cette expérience. Et ce fut une belle réussite.

Uketamo … le retour à la nature

La préfecture de Yamagata, j’ai eu l’opportunité d’y aller à plusieurs reprises et j’avais aimé le Hanagasa Odori Matsuri ou bien encore le temple Yamadera, et sa superbe vue. J’avais passé quelques-uns de mes meilleurs jours pendant Cap 10.000 Japon dans la ville de Sakata, avec mon ami Sato-san. Mais je ne m’attendais pas du tout à découvrir ce que j’allais expérimenter pendant ces quelques jours dans la pleine du Shonai.

Tout a commencé rapidement au temple Zenpo-ji. On y a rencontré, avec Lucas, Ryuko Ueno-san, moine au temple. Il nous a expliqué l’Histoire du lieu avant de nous faire découvrir de l’intérieur le zen. Au programme on a eu le droit à un repas Bouddhiste et les explications sur le déroulé et les codes de celui-là. Puis ensuite on a fait une séance de calligraphie zen avant d’assister à une séance de prières quotidiennes avec lectures des sutras. Ensuite on a continué avec une séance, courte, de zazen. J’ai eu l’occasion d’apprendre de nouvelles choses, notamment sur le repas et son déroulé, et l’expérience fut bonne.

Après cela, on s’est rendu à une séance de Kyudo avec un maitre local, Maitre Akino. Faite de rires tout le long, elle n’en n’a pas moins été difficile. Difficile de mettre la flèche dans la cible et surtout avec les bons gestes. Le maitre est strict mais taquin à la fois. Et j’ai appris que le Kyudo est aussi une forme de zen, le « zen debout » comme ils l’appelle. Première journée validée et elle se termine au Takinoyu Hotel dans la ville de Tendo. Un superbe hôtel avec des onsen privés en terrasse dans nos chambres !

Le lendemain matin on est parti, après le petit-déjeuner, pour ce qui était prévu comme une visite du temple Yamadera, du moins pour ce que j’en pensais. Une fois sur place, au pied du temple, on entend crier de joie, au loin, des « Good Morning » et on se retourne pour découvrir une Japonaise pleine d’énergie en train de sauter, secouer les bras en notre direction le tout dans un large sourire. On venait de faire la rencontre de Mai Goto, notre guide pour la matinée. Et, avec Lucas, ça nous a mis de très bonne humeur, cet accueil dynamique. On a donc suivi Mai, dans ce qui s’est avéré être, en réalité, une découverte de l’envers de Yamadera. On est parti par un sentier en forêt à l’arrière du temple. On y a découvert des lieux méconnus et intéressants et de superbes vues sur la vallée en contrebas, le tout avec les explications de Mai qui a grandi sur place. Une superbe visite, une belle mise en bouche et une redécouverte d’un lieu qui ne se limite pas à son célèbre temple.

Puis, l’après-midi on est parti en direction de la ville de Nishikawa pour aller en balade sur le Mont Gassan, l’un des trois monts sacrés de Dew Sanzan. On a été accompagné par Yumi Sato-san et Yasuo Shibuya-san, guide et surtout spécialiste de la montagne, dont il connaît tous les recoins et surtout les plantes qui y poussent. Durant cette balade, on a mangé sur place de savoureux onigiri fait maison avec des champignons du Mont Gassan. D’ailleurs, en parlant de champignons du Mont Gassan, Shibuya-san en a ramassé devant nos yeux ébahis, et ils ont servis à la base de notre repas du soir. Après la balade on est allé à Dewaya, une auberge locale, où Haruki Sato-san, le jeune chef de l’établissement, a cuisiné les divers champignons cueillis par Shibuya-san. En faites, cette expérience consiste à aller (re)découvrir ce que la nature a à nous offrir pour en savourer ses meilleurs produits, dans un circuit 100% local. Et le repas fut très bon, vraiment, on s’est régalé, aussi bien les papilles que les yeux.

Le soir c’est direction le Daishinbo Pilgrimage Lodge, un logement dédié aux pèlerins de Dewa Sanzan, aux Yamabushi, pour l’expérience que nous allons vivre le lendemain. Le matin venu, après le petit-déjeuner, on assiste à toute la cérémonie, avec les autres participants, et les tenues nous sont fournies avant de prendre la route, en ligne et en silence, jusqu’au sommet des 2.446 marches qui serpentent le Mont Haguro. Une fois au sommet on a le droit à une séance de prières avant le repas traditionnel sur place. Une expérience qui fut intense et belle à la fois, dans un calme Olympien. On repartira même avec le tampon du temple sur notre tenue du jour, en souvenir de notre accomplissement.

Uketamo … j’accepte Yamagata

Depuis le début de cet article j’utilise le mot Uketamo, sans vous en donner la signification. C’est bien volontaire, parce que je voulais vous l’expliquer ici. Ce n’est pas un terme facile à traduire mot pour mot, mais il signifie quelque chose comme « j’accepte » dans le sens « j’accepte à cœur ouvert ». Il est énormément utilisé par les Yamabushi, dans l’ensemble de leurs activités pour dire qu’ils acceptent, non pas dans une forme de soumission mais plutôt dans une volonté de se lier avec les éléments qui les entoure, notamment la nature.

Uketamo, ce que la nature m’offre à manger, ce que l’activité de cueillette proposé par Dewaya offre. Uketamo, ce que la montagne à Yamagata me propose. Uketamo, la météo qui m’entoure, aussi bien l’été bien chaud et humide que l’hiver froid et ses fortes neiges. Uketamo, la difficulté de l’entrainement des Yambushi. Uketamo, le zen du temple Zenpo-ji et du Kyudo. Uketamo, j’accepte Yamagata et sa nature spirituelle qui me permet de me reconnecter avec la nature et avec moi-même.

Je trouve que le mot Uketamo représente au mieux ce que j’ai vécu pendant ces presque quatre jours dans la plaine de Shonai, Yamagata. J’ai accepté de me retrouver, de me reconnecter à la nature, de redécouvrir ce qu’elle avait de beau à m’offrir, loin de mon « confort » de vie que j’ai à Tokyo. Et en acceptant ça, même sur seulement quelques jours, je me suis rendu compte que l’expérience fut belle et elle m’a donné envie de revivre l’expérience ou d’autres expériences du même genre, de me déconnecter de la vie que j’ai actuellement pour retourner à quelque chose de plus simple, plus connecté à la nature, plus respectueuse et simple. Yamagata m’a permis de voir que ce genre de modes de vie est possible, qu’il est accessible et qu’il existe, non loin de nous.

Au final, à Tsuruoka, j’ai vécu, en 2016, ma pire expérience au Japon mais aussi l’une de mes plus belles découvertes dans l’archipel Nippon, en 2019. J’ai accepté ce que les montagnes de Yamagata et sa nature m’ont offert avec abondance, aussi bien à travers le zen, le kyudo, le programme Yamabushido que les rencontres avec les locaux et les repas sur place, notamment à Dewaya.

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