Le Voyage de Chihiro – critique et analyse

Nicolas 30 avril 2016 4
Le Voyage de Chihiro – critique et analyse

Place à une œuvre de Hayao Miyazaki, Le voyage de Chihiro, sortie en 2001 par le studio Ghibli. Découvrons les merveilles et les mystères d’un monde inconnu en analysant l’aventure de la petite Chihiro.

 Le studio Ghibli est connu pour réaliser des films d’une beauté inégalable. Souvenez-vous de Princesse Mononoke, Mon voisin Totoro ou encore du Tombeau des Lucioles. Ces trois films ont reçus des ovations du public. Le secret réside dans un subtil enchevêtrement d’émotions et de splendides animations avec, en fil conducteur, une critique de la société actuelle ou la défense d’une cause. Le voyage de Chihiro ne fait pas exception, il s’agit d’un conte sublime mélangeant émerveillement et critique. Une œuvre magnifique à regarder.

 Synopsis :

La famille Ogino  déménage pour changer de vie mais la traversée d’un tunnel bouleversera totalement leurs plans. Les parents deviennent des cochons et sont emmenés hors de notre vue alors que Chihiro, maintenant seule, doit travailler pour survivre dans un monde peuplé d’esprits et de magie. Elle devient très vite Sen, employée de la sorcière Yubaba dans des bains publics. Une seule envie pour la jeune Chihiro, sauver ses parents et rentrer à la maison. Chemin faisant, elle découvrira de nombreux êtres à la personnalité ambiguë et parcourra un chemin semé d’embûches. Arrivera-t-elle à déjouer les pièges de ce nouveau monde ?

Kamikakushi signifie « caché par les Dieux » que nous pouvons traduire ici par esprits. Un titre judicieusement choisi, Miyazaki annonce la couleur dès le départ.

Le voyage de Chihiro, un univers parallèle déroutant.

 « Le voyage de Chihiro » (千と千尋の神隠し – Sen to Chihiro no kamikakushi ) est un titre judicieusement choisi, Miyazaki annonçant la couleur dès le départ. Kamikakushi signifie « caché par les Dieux », comprendre ici les esprits. Ces derniers font partie intégrante de l’intrigue et partageront le devant de la scène avec l’héroïne principale.

Embarquement pour Le voyage de Chihiro : Approchez, traversons le tunnel et explorons son univers. Nous pouvons d’ailleurs nous demander si ce tunnel n’est pas un passage semblable au trou dans l’arbre d’Alice aux pays des Merveilles. Le monde d’un côté de la frontière est celui que nous connaissons et lorsque nous franchissons celle-ci, un royaume enchanteur où tout peut exister apparaît.  De même que la jeune Alice, Chihiro (ou Sen dans ce monde) essaiera tant bien que mal de survivre dans un univers inconnu où cela semble difficile.

Cependant, l’œuvre de Hayao Mizayaki est loin d’être un plagiat de Lewis Caroll. Certains diront que la nourriture utilisée par exemple pour sauver Haku, ou tout simplement pour survivre dans ce monde, fait penser aux biscuits qu’Alice mange pour changer de taille ; je ne le pense pas. Et vous ?

Une fois le tunnel passé, nous découvrons ce nouveau monde grâce aux multitudes d’échoppes qui apparaissent devant nous et où les parents de Chihiro s’empressent de dévorer les mets proposés. Cet acte entraînera leur transformation en cochons. Rien, ni personne, ne les avait autorisé à se goinfrer de la sorte ! Cette situation sera qualifiée d’immorale par Yubaba, ce qui m’amène à cette comparaison lointaine avec une autre œuvre du studio Ghibli « Porco Rosso ». Dans l’histoire, le héros (un aviateur ayant pris l’apparence d’un porc) s’infligea lui-même cette punition car il avait perdu foi en l’humanité.

Nous avançons ensuite dans l’histoire et découvrons une société de bains pour esprits, qui rappelle fortement les onsen japonais. En soit, cela semble anodin. En réalité, à ce moment là, Miyazaki entame le début d’une critique qui va perdurer tout le long du film, celle de la société japonaise. Un peu comme le faisait Jean de la Fontaine à travers les animaux au sein de ses fables. Plusieurs axes sont développés par le réalisateur et plutôt qu’un énorme texte virulent, il préfère passer un message à travers une œuvre majestueuse tant au niveau des graphismes que de la musique. Cela permet de toucher un public plus large et éviter les critiques frontales. Cependant, suivant votre façon de regarder le film, vous aurez accès à plusieurs niveaux de compréhension :

  • L’interprétation superficielle, plus « enfantine » se limitant à un niveau de compréhension de l’œuvre au premier degré. Toutefois, beaucoup d’entre nous sommes à ce niveau de lecture. Non pas à cause de notre capacité cognitive, loin de là, mais seulement car nous voulons passer un bon moment, pour nous évader de notre vie quotidienne et rêver l’espace de quelques dizaines minutes.
  • Puis viens le sens profond de l’œuvre, le second degré, celui dont seul Miyazaki connaît toutes les nuances. C’est celui-ci que nous tentons de comprendre ici-même !

Une critique de la culture et de la société japonaise.

Tout d’abord intéressons-nous à Chihiro et Yubaba. La scène où Chihiro demande du travail est le début de la critique de la société japonaise et de son monde éreintant. En effet, Chihiro doit insister pour avoir du travail afin de survivre dans le monde que la sorcière dirige. De plus, si elle veut exister et non disparaître, manger un produit de ce monde est primordial. Ces deux actions amènent la pauvre Chihiro à se transformer petit à petit en Sen et à perdre l’identité qu’elle tente d’affirmer.

Ce que l’on retrouve ici, à mon sens, c’est un modèle japonais bien ancré. Une unité de masse sans prise d’initiative réelle face à la tentative de Chihiro voulant conserver son caractère, son individualité et tout ce qui fait de nous des êtres à part entière. L’exemple le plus frappant du film survient lorsque l’on aperçoit chacune des employées dormant ensemble et connaissant leur travail par cœur, répétant inlassablement les mêmes gestes.

Nous enchaînons avec une forte critique de la société de consommation. Celle-ci apparaît sous plusieurs aspects. En premier lieu, les parents de Chihiro se gavent encore et encore sans se soucier d’où provient la nourriture en prétextant qu’ils pourront payer de toute façon. En second lieu, on nous présente l’esprit de la rivière dont l’odeur est insoutenable et l’apparence disgracieuse. Tout le monde pense qu’il s’agit d’un esprit putride, mais lorsque Chihiro enclenche le processus pour sauver ce dernier, on se rend vite compte que celui-ci est magnifique.  Cet être, à la base si sublime, avait évolué ainsi à cause de la pollution de la rivière par les humains et leurs déchets. D’ailleurs la nature est un thème récurrent chez Ghibli et Miyazaki avec Pompoko notamment.

Enfin, Miyazaki continue de nous dévoiler des aspects de cette société avec le « Sans-visage ». Au début, il n’est pas accepté dans les bains de Yubaba. Cependant, une multitude de pépites d’or suffit pour que tout le monde se prosterne à ses pieds et le serve en espérant recevoir une part du butin. Par la suite, chaque personne ayant voulu profiter des largesses du Sans-visage se retrouve avalée par celui-ci, métaphore de la société de consommation qui nous aspire dans ces bas fonds.

Miyazaki ne s’arrête pas à ces aspects, il continue avec le Bébé de Yubaba. Sorte de mini géant capricieux, infecte et détestable. Elle essaye malgré cela de le satisfaire et lui passe toutes ses colères. Peut-on voir ici une critique de l’enfant roi ? Je pense réellement qu’il s’agit de cela ici. Au Japon, les garçons sont libres lors de leur enfance car chacun sait ce qui les attend lors de leur vie adulte (en schématisant pour simplifier l’analyse).

Dans beaucoup de films d’animation, nous arrivons à savoir qui est l’ennemi à combattre et qui sont les alliés du héros.Dans cet univers, rien n’est blanc ou noir. Tout est fait de compromis et/ou de concessions. Le couple de sœurs en est l’illustration même. Zeniba essaye de tuer Haku pendant la première période du film puis devient la « grand mère » affectueuse et touchante que chacun rêve de côtoyer. De son côté, Yubaba semble être une vieille femme aigrie, la méchante de l’histoire, alors qu’elle agit selon un code de déontologie et permet à Chihiro, au prix de quelques conditions, de survivre dans cet univers.

Terminons avec la scène la plus connue de ce film d’animation, celle de l’envol final de la jeune héroïne. Sen doit prendre le train et elle est en compagnie du « sans-visage ». Elle est la seule passagère à avoir un trait de crayon marqué, le reste n’est qu’ébauche. Miyazaki, dans une interview, dit que ce voyage en train pourrait être, pour le spectateur, la fin du film même si ce n’est pas le cas. Pour lui Sen redevenue Chihiro a mûri, s’est émancipée. Cette évolution la porte au même rang que les autres héroïnes de Miyazaki. Comparons, par exemple, avec Princesse Mononoke, qui dès le début du film dégage une puissance perceptible alors que Sen était peureuse, fragile et peu habituée au monde extérieur.

Décryptons un peu ce passage. Nous pouvons voir plusieurs choses dans cette scène. Il s’agit du passage de la vie, elle ne reviendra pas sur ses pas, c’est un aller simple ! Par ailleurs, d’autres analyses évoquent le Japon après la guerre. Chihiro, comme les enfants à cette époque, attendrait le retour d’un être aimé sans certitude qu’il ne revienne. Enfin nous pouvons y voir une ultime critique. Tout le monde dans le train est assis, il n’y a aucun échange, aucune forme de discussion. Cela ressemble fortement à l’absence d’interaction dans les trains de notre époque au Japon.

Pour la petite anecdote, saviez-vous que Miyazaki s’est inspiré de bains existant pour réaliser ce film ? Je vous invite à le découvrir au travers de notre article sur le Dogo Onsen Honkan.

Un film Ghibli époustouflant et enchanteur ! Au final le Voyage de Chihiro est un des Ghibli que j’affectionne particulièrement de par son univers, ses graphismes et son histoire. D’ailleurs qui ne trouve pas les petites boules de cendre toute mimi (KAWAII) ???! Le plus impressionnant, comme souvent avec le studio Ghibli, réside dans une bande sonore époustouflante. J’écoute d’ailleurs encore régulièrement ce passage réalisé par Kate Covington, par iciCette musique est ma préférée du film et me transporte à chaque écoute. Et vous, qu’avez-vous pensé de ce film d’animation ? Qu’avez-vous pensé de l’ambiance musicale ?

 

 

4 Comments »

  1. dupre 2 mai 2016 at 7 h 56 min - Reply

    j’ai adoré ce film je suis une fan de myazaki depuis longtemps

    • Nicolas 2 mai 2016 at 8 h 18 min - Reply

      Je te comprends, c’est pareil !

  2. Breic 2 mai 2016 at 10 h 03 min - Reply

    Il fait aussi parti de mes favoris, je le lance souvent en fond sonore quand je suis occupé à autre chose. J’ai aussi pu lire une fan fiction décrivant ce qui aurait pu se passer ensuite (par Velf) que je conseille à tout le monde!

    • Nicolas 2 mai 2016 at 10 h 59 min - Reply

      Héhé, on est deux pour le fond sonore alors 😉

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